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Paris Jardins Rosa Luxemburg, le fer passe au vert

photos : IN SITU PAYSAGES ; P.Fayolle

À deux pas de la gare du Nord à Paris, une ancienne halle technique de la SNCF a été réhabilitée en bâtiment écoresponsable entouré d’un jardin remarqué lors des Victoires du paysage 2016.

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La déprise des emprises ferroviaires en ville, et en particulier dans Paris, est une réalité : le jardin d’Éole (Lien horticole n° 883 du 23 avril 2014), par exemple, est né de la conquête des espaces verts sur un site occupé auparavant par des bâtiments techniques de la SNCF. Il occupe une large bande le long des voies quittant la gare de l’Est, à Paris. La halle Pajol et les Jardins Rosa Luxemburg, un aménagement plus récent, est un peu son pendant de l’autre côté de ces mêmes voies, côté ouest. Mais la comparaison s’arrête là. Autant Éole est un jardin comptant quelques aménagements construits, autant la Halle Pajol est un bâtiment industriel rénové autour de laquelle a été aménagé un espace vert avec des contraintes très particulières. Un travail qui a été récompensé dans le cadre des Victoires du paysage 2016 (Victoire d’or dans la catégorie “Collectivités/Jardins” ou “parcs urbains”).

Construite il y a environ un siècle, la halle Pajol était un bâtiment technique ferroviaire destiné à la messagerie et aux douanes. Désaffectée quelques décennies après sa mise en service, un artiste occupera les lieux, puis la ville de Paris rachètera la halle et son emprise foncière. La conception de la rénovation est alors confiée à l’architecte Françoise-Hélène Jourda qui en fait un bâtiment écoresponsable, première centrale urbaine photovoltaïque de France, grâce à l’installation de 3 500 m2 de panneaux solaires, par exemple. Ces choix vont avoir des conséquences sur la réalisation des jardins, conçus par le cabinet lyonnais In Situ Paysages et urbanisme et réalisés par l’entreprise Segex pour les lots génie civil et VRD.

Des contraintes liées au bâti

« Lorsque nous sommes arrivés pour démarrer les travaux, en 2013, le bâti était encore en cours de réhabilitation, explique Fabien Matinier, chef de secteur pour la Direction régionale Est & Nord de Segex. Il a fallu graviter autour, ce qui a posé beaucoup de problèmes de phasage du chantier ». D’autant que la plus grande partie du jardin se situe entre le bâtiment et la voie de chemin de fer et ne se trouvait guère accessible que par une rue parisienne assez étroite… Et qu’il fallait, avant de réaliser le jardin proprement dit, évacuer les rails et le ballast encore en place, puis construire un puits canadien, dont le rôle est de créer une inertie thermique pour aider au chauffage et au rafraîchissement de la halle, occupée aujourd’hui par une auberge de jeunesse, une bibliothèque, des commerces, etc. De grosses chambres de béton ont été enterrées à 4 ou 5 mètres de profondeur et reliées au système complexe de climatisation. Il s’agit de la seule réalisation de l’entreprise de paysage Segex concernant le bâti, mais c’est une réalisation d’envergure.

Cette opération réalisée, d’autres terrassements ont été nécessaires pour créer un bassin de 200 m3 destiné à stocker les eaux de pluie issues du bâti. Une eau qui assure l’arrosage des plantations et alimente des bassins d’agréments situés sous les toitures de la halle. Celles-ci ont en effet été laissées en place et accueillent une partie des panneaux photovoltaïques du site. Le bassin de collecte des eaux de pluie est relié aux égouts pour évacuer le trop-plein en cas de précipitations intenses. Ce n’est qu’après ces lourds travaux que le chantier du jardin a vraiment pu démarrer, en évacuant une importante quantité de terre polluée par les activités industrielles. Une couche de pouzzolane de 90 cm a permis d’isoler le sol pollué de celui du jardin qui a été réinstallé au-dessus.

Sous une structure industrielle

Le jardin est composé de trois zones bien distinctes. Côté rue, des plantations d’alignements et de petites surfaces de jardins partagés égaient la grande place urbaine qui fait face à la halle. Les rez-de-chaussée sont occupés par des commerces, bars et restaurants. Le jardin est, pour sa part, situé derrière la halle, on pouvait auparavant y accéder via une rampe métallique traversant la halle, mais cet accès est désormais fermé. C’est donc par la rue que l’on arrive dans le jardin. Une première zone est constituée d’une grande aire de jeux « un peu atypique avec des tables de ping-pong », explique Fabien Matinier. Mais la vraie originalité du jardin se situe plus loin, sous la halle dont ont été conservées de magnifiques structures métalliques et les toitures. Sous cette halle, de grandes longueurs de bassins et de plantations d’arbres et de plantes de sous-bois offrent une belle ambiance végétale particulièrement originale.

Un volume de mélange terre-pierre optimisé

L’espace a été entièrement recouvert de mélange terre-pierre, sur une profondeur d’une soixantaine de centimètres, un peu plus là où des arbres ont été installés. Mais cette nappe de mélange terre-pierre est présente même sous les allées du jardin et sous les bassins, « de manière à ce que les végétaux implantés puissent bénéficier du volume de substrat le plus important possible », précise Brice Desblaches, qui a suivi les plantations pour l’entreprise Segex, en relais avec l’entreprise Sols Paysage, chargée de gérer la conception des sols. Le terre-pierre a été réalisé de manière classique, un mètre cube de pouzzolane a été utilisé pour réaliser le même volume de substrat, un tiers de volume de terre végétale venant combler les volumes entre les pierres. Le tout a ensuite été compacté en place. La palette végétale retenue a été adaptée aux contraintes du site, la halle couverte de panneaux photovoltaïque étant plutôt ombragée. Les bassins sont largement plantés d’hélophytes, le tout donnant une ambiance particulière à ce jardin parisien. Une partie de la zone sous la halle est consacrée à des jardins partagés, une étanchéité a été aménagée pour éviter les remontées de pollution diffuse sous ces parcelles.

Aujourd’hui, après quelques années de vie, le jardin montre en certains points les traces d’un usage très intensif : il est situé dans un quartier à l’urbanisation très dense et le site connaît un grand succès. Mais c’est peut-être au final la raison d’être d’un jardin et la preuve que son implantation répondait à une attente précise des populations locales !

Pascal Fayolle

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